J’active l’interrupteur de la mise au travail. Tout d’abord, rechercher le podcast de fait divers historique qui va me permettre d’écouter une histoire tout en m’échauffant dans un petit carnet de croquis A5. Je reprends mon livre de référence où je l’ai laissé la veille: les planches naturalistes des animaux de la ferme, un guide de cueillette de champignons, les dessins techniques des brevets américains déposés depuis 1900. Je joue avec de l’eau, de l’encre de Chine, du crayon graphite, du fusain, de l’acrylique, de la craie. Je provoque un heureux accident, je ne pense à rien, je pose un geste, mon sujet est là. Je regarderai plus attentivement le résultat le lendemain.
Je travaille par évocations. Tout d’abord, trouver la playlist musicale qui me trotte en tête. Du rythme électro, du rock des années 90 qui me plongent dans mon adolescence, du rap agressif, un rythme de basse. Et je recherche l’image qui s’est imprimée sur ma rétine par sa composition et ses contrastes. En recherche d’impressions photographiques, d’inspiration cinématographique de mise de scène. Je suis fascinée par la culture américaine: sa violence, l’immédiateté, l’empreinte déjà nostalgique. J’aime la puissance et rapidité des matches de basket. Je sélectionne quelques scènes et je n’en imprime qu’une seule dans une mauvaise qualité. Le but est de me l’approprier pour qu’elle soit réinterprétée par le dessin. Je recherche l’évocation d’une atmosphère, d’une scène déjà vue qui cache une (peut-être sombre) histoire.
J’étale sur trois mètres mon rouleau de papier sur le sol, j’enfile mon beau de travail et mes chaussettes noires. Sur base de cette photo, je pose directement mon geste au fusain sur mon papier déroulé sur le sol. Et là, le pur plaisir du trait, plaisir du contraste et de l’accident provoqué. Faire apparaître la lumière qui imbibe les choses. Créer de l’espace avec de la couleur et mon fusain noir.
Le dessin comme une bulle, un état d’esprit où s’échapper, comme nager dans une piscine occupée par des groupes scolaires mais dans un couloir vide.